Une vie hors-sol

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Quelque chose comme le dernier chapitre de La vie mode d'emploi de Georges Perec

 

Bannière UNE VIE HORS-SOL au temps du confinement.

Nantes, Avril – Mai 2020.

 

Bâche en coton, peinture acrylique, colle, fils, bois.

Dimensions : 2,00 x 3,50 m

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La bande annonce du projet.

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Mon ami, Jean-Baptiste Guintrand, m'a fait l'honneur d'écrire quelques mots à propos de ce projet.
Je vous les partage ici avec plaisir.

 

Une image comme celle-là, une bannière « une vie hors-sol » au dernier étage d'un immeuble, moi qui suis basique et simple, je la comprends tout de suite, sans hésitation.
La vie qu'on mène dans cet appartement, derrière ce balcon ne peut-être que hors sol, puisqu'on est justement au dernier étage, loin des trottoirs, du sol – ne cherchez pas plus loin… Une vie perchée…
J'ai vécu dans un immeuble à Paris, au 24ème étage, une tour de béton et de verre près de la Seine. Je connais le hors-sol… Tout le monde trouve ces tours immondes, dégueulasses, verrues dans la ville-musée aux toits de zinc… Peut-être.. Mais y vivre c'est différent… je me souviens d'y contempler des heures durant de ma fenêtre une mer urbaine, mais, surtout, le ciel, les nuages qui passent, les averses qui balaient le sol, les trouées de lumière…
C'est ça une vie hors-sol, c'est prendre de la hauteur, surplomber les voitures, les passants, les klaxons, les feux de signalisation et voir les nuages arriver de loin, regarder la Loire sauvage couler et traverser à gros courants ce petit espace faux qu'est la ville avant de rejoindre l'océan immense qu'on devine pas loin… Une vie hors-sol c'est celle des gardiens de phare, des panseurs de cathédrales…

En haut de mon mat, je vois les nuages tomber les uns après les autres derrière l'horizon.

— J.B. Guintrand

Une image comme celle-là, une bannière « une vie hors-sol » en temps de confinement, moi qui suis simple et basique, je n'hésite pas, je comprends instantanément… Le sol c'est le quotidien, la vie réelle, habituelle, notre boulot d'animaux sociaux, se lever, aller travailler, transformer notre temps de travail en données chiffrées pour se nourrir, boire des boissons qui font rire, échanger quelques signes avec d'autres animaux sociaux de la même espèce et rentrer le soir à la tanière ou au nid.
Et puis on nous dit que là c'est grave, qu'on doit arrêter tout, le travail, limiter la chasse aux vivres, ne plus échanger de signes, se confiner, se retirer, faire de son logis un ermitage, interrompre le jeu social, prendre un temps hors norme, hors temps, hors-sol…

 

Moi, une image comme celle là, une bannière « une vie hors-sol », en plein centre ville, j'y vais pas par quatre chemin, je comprends tout de suite – on me la fait pas à moi… La vie est un espace anti naturel, on y est élevé comme des volailles en batterie, les uns sur les autres, en immeuble, avec des lieux où se nourrir, supermarchés pour le foin et bars abreuvoirs… On n'y voit plus d'animaux sauvages mais leurs avatars domestiqués, tous ridicules… Les arbres sont tolérés dans des espaces réglementés, on ne s'y promène pas nu impunément, on ne peut se rouler par terre, dans la boue ni crier dans le vent, on vit comme un végétal sans terre, loin de tout ce qui nous rattache à notre vie intime, millénaire, multi-millénaire, condamnés à vivre hors espèce, hors nature, hors-sol.

 

Alors déployer une bannière « une vie hors-sol », c'est comme lever un drapeau noir avec un crâne et des tibias, c'est une révolte silencieuse… C'est dire : « Oui, je joue peut-être le jeu social et faux qu'on me fait jouer, mais ne vous y trompez pas, confinement ou pas, moi je suis toujours ailleurs, vous ne me ferez pas descendre ; de la vigie, en haut de mon mat, je vois les nuages tomber les uns après les autres derrière l'horizon. »

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Et pour finir, si vous regrettez d'avoir manqué « l'inauguration confinée » du projet, voici le replay de l'événement…